En sursis
Photo #1 : jeudi, 08h30. Nous entamons la longue route. La visibilité est encore bonne. Nous nous suivons à bonne distance, à quelques 12 km/h.
Samedi 15 janvier, 16 heures.
Avant-dernier samedi sur la base sous probablement mon dernier catabatique. Difficile de décrire l'état d'esprit dans lequel je suis en ce moment : beaucoup de nostalgie, un gros pincement au cœur. J'essaie de ne pas trop faire de sentimentalisme quand-même. Cette aventure Adélienne n'avait de sens que si elle comprenait ces jours suspendus d'ici 8 à 9 jours. Je repense aux premiers billets de l'été dernier : difficile de bien comprendre le remue-ménage qui se passe en moi et de bien comprendre les "giclées" d'émotions, souvent contradictoires, qui me traversent.
Jeudi dernier, une poignée des hivernants de la 60 a eu la chance de participer au pré-acheminement de carburant en vue du raid, qui lui est parti ce matin. Qu'est-ce donc, qu'un pré-acheminement ? C'est le transfert de 150 mètres cubes de kérozène à quelques 60 kilomètres à l'intérieur du continent, sur la route de Concordia. Une sorte de station-service temporaire sur la route. Cela permet également de délester le convoi lors de ces 60 premiers kilomètres (sur 1300) bien raides, durant lesquels plus du tiers du dénivelé est avalé -- pas moins de 1260 mètres. Nous sommes ainsi partis de la base Prud'homme vers 08h avec une sorte de grosse déneigeuse et 5 challengers pour environ 5 heures de montée à l'assaut des pentes du continent. Après plus d'un an à le regarder chaque jour, nous y étions enfin ! La mer n'a rapidement été plus qu'un souvenir derrière nous. Place à l'empire du blanc. Que du blanc, et du vent ! Sans doute autour de 80-90 km/h de vent catabatique alors que DDU était dans le calme quand nous sommes partis. Une bien belle escapade, très attendue pour ma part. Que d'émotions quand nous sommes arrivés au point du départ du raid, le lieu atteint au cours de mon périple Adélien le plus proche du pôle ! Nous ne nous sommes pas attardés au vu des conditions et avons dévalé la pente à pas moins de 18 km/h, avec quelques pointes jusqu'à 25 km/h, à fond de 10ème !
A part ça, les malles se font doucement, mon rapport annuel est quasiment ficelé. Les Empereurs sont tous partis. Les poussins Adélie atteignent 1kg et ressemblent à des poires, de petites montagnes sur pattes. Les 61 sont au complet et débordent de dynamisme et d'enthousiasme. L'heure des vacances a quasiment sonnée !
Photo #2 : jeudi 13. Les cirrus créent un halo très intense autour du Soleil.
Photo #3 : jeudi 13, 13h36. Nous sommes arrivés. Le vent catabatique
souffle en violentes bourrasques et soulève un intense chasse-neige,
dont nous n'avions plus vraiment l'habitude. Nous voici de nouveau
plongés dans l'hiver Antarctique !
Photo #4 : jeudi 13, 13h44. Les machines sont recouvertes d'une gangue de glace, due à toute la neige en suspension dans l'air.
Photo #5 : jeudi 13, 13h45. J'immortalise le point GPS le plus au sud de ma jeune vie, tout de même éloigné du pôle Sud de quelques 2550km...
Photo #6 : Jeudi 13, 13h50. Heureux comme un gamin !
Photo #7 : Jeudi 13, 16h45. Sur la route du retour, des altocumulus orographiques font leur apparition. Ils signalent la présent d'ondes se formant au-dessus du flux catabatique de Sud.
Photo #8 : jeudi 13, 16h45. Arrivés au point "D24", à environ 650 mètres d'altitude, la mer fait son apparition sur l'horizon ! Irréel, magique !
Photo #9 : lundi 10. Les poussins sont désormais bien dodus, leur duvet leur confèrent une silhouette encore plus ronde.