Enfin à la maison !

vendredi 11 décembre 2009, ??h??. Base Dumont d'Urville, Terre Adélie. km 22400 (environ...)

   Il est tard, très tard. Je ne sais plus où je suis, s'il fait jour ou nuit, si je suis éveillé ou si je rêve déjà. Mon cerveau reçoit un fatras d'informations qu'il n'est pas vraiment en mesure de traiter. Ce matin, vers 02h (GMT+10) et par 66°10'S et 139°36'E selon mon super GPS, le bateau a rencontré la banquise -- bien solide, infranchissable. L'occasion pour moi de faire une petite sortie "nocturne" sur le pont, ou plutôt dans un monde parallèle, peuplé de pétrels de neige, d'Adélie, d'empereurs et d'orques, le tout dans une lumière hallucinante et un calme saisissant. Vers 09h (GMT+10), Jean-Paul mon collègue météo m'a tiré de ma banette -- et d'un sommeil profond -- bien opportunément : notre hélico décollait dans l'heure. Le temps de me remettre les idées en place, de faire les bagages, de grignoter un peu et nous voici sur le pont, en attente de décoller. Une dizaine d'orques en chasse à quelques encablures trompent notre impatience, teintée pour ma part d'une certaine anxiété. Bien qu'ayant parfaitement confiance dans la logistique et dans les capacités de notre pilote, ce baptême d'hélicoptère au-dessus de la banquise stimule les couches les plus profondes de mon cerveau en alerte maximale. Vol bref, mais intense ! Une quinzaine de minutes de folie en compagnie de JP donc et de Christopher, notre boulanger. Le temps de me dire que je suis largement au-delà du stade de privilégié, en vol au-dessus de ce paysage invraisemblable à 200km/h, que la base est déjà en vue. Suivirent 15 minutes guère moins intenses. L'accueil par les "locaux" -- dont certains me sont déjà quelque peu connus via le blog de François et puis bien sûr les deux vieilles connaissances que sont François et Jean-Philippe, la découverte des bâtiments et puis le retour après plus de 160 heures de tangage et roulis sur un sol immobile. Trop ! L'après-midi a été consacré au début de la passation de consigne avec mes prédécesseurs et à une sieste mémorable, qui m'a fait rater le dîner (!). Vers 21h, Marie et Marion nous ont emmenés à la manchotière des empereurs. Je suis un peu déçu d'être dans cet état d'exceptionnelle fatigue physique et psychique car je n'ai pas pu profiter à fond de cette sortie à placer à n'en pas douter dans la malle des instants les plus précieux de ma vie. Mon premier vrai contact avec le paysage Adélien, les couleurs du soir et dans ce décor renversant, sa majesté l'Empereur. Je dois bien dire que la première impression mitigée que j'ai eue depuis le bateau a été largement rattrapée par la foule présente à la manchotière, composée en majorité de jeunes en mue et d'adultes. Tourbillon d'émotions, de couleurs. Je viens donc de rentrer. Je suis ressorti prendre ma première photo depuis mon arrivée, qui devrait se trouver ci-dessus (si la transmission est correcte !). C'est peu de dire que je suis infiniment loin de tous mes repères. Je sais simplement que je suis dans un lieu accueillant, follement lumineux et magique, comme il en existe sans doute peu sur cette planète.