... et bonne année !
Je commencerai ce billet en ne faisant pas spécialement preuve
d'originalité et en vous souhaitant une EXCELLENTE ANNEE, où que vous
soyez ! 40 000 manchots Adélie se joignent à moi (voir photo ci-dessus) pour
vous souhaiter beaucoup de bonheur, la santé et la réalisation de toutes
les choses, petites ou grandes, qui vous tiennent à cœur !!
En espérant aussi que le passage de ce cap vous fut aussi agréable
que
pour moi... petit résumé des 48 dernières heures :
31/12, 19h30. De service à la météo, je m'acharne à tirer de ma
machine
les informations dont j'ai besoin pour faire mon topo météo au capitaine
de l'Astrolabe, parti le matin-même de Hobart et affrontant justement une
tempête -- pas loin de 120 km/h au maximum de la tourmente. Pendant ce
temps au séjour, l'apéro a commencé. Situation réellement agaçante.
20h. Avant d'attaquer le dîner, François et moi-même faisons
signer le
ballon à l'ensemble des personnes présentes sur la base. La bonne humeur
communicative commence à œuvrer. Je décide d'abandonner temporairement
ma machine rétive pour profiter du début du repas. Excellent repas, cela
va sans dire. Langouste, canard à l'orange et Saint-Honoré. Je file faire
ma prévision pour le bateau entre le fromage et le dessert -- c'est le
cas de le dire !
22h. Nous fermons les volets, histoire de créer une pénombre plus
appropriée. Patrick -- notre responsable technique, qui fête justement
son anniversaire -- à la guitare et au chant, François à la batterie et
Jean-Gab au saxo lancent avec brio la soirée. Je me dis que j'ai une
chance incroyable d'être là. Une heure géniale de musique, de
convivialité, de danse. Un vrai bonheur. Patrick casse une
corde. La sono prend le relais. De discussions en discussions, je pars
dans une tourmente joyeuse, j'oublie le temps et me grise du privilège
d'être ici. Soudain, une vague déferlant d'un coin du séjour nous
submerge. Je met quelques instants à réaliser : mais oui diable ! Il est
minuit. J'embrasse avec enthousiasme mes camarades futurs hivernants, les
campagnards et mes collègues de la 59. Je sens une large majorité de ces
derniers particulièrement émus, à cet instant si symbolique pour eux,
comme pour moi. Tous me souhaitent un "bon hivernage", et ces quelques
mots, si simples et naturels, provenant d'eux sont lourds de leur propre
expérience, me touchent réellement. Difficile d'exprimer maintenant le
sentiment de grande joie, de bonheur que je ressens à cet instant,
entouré de mes camarades Adéliens. Je suis juste infiniment heureux,
exactement à l'endroit où je souhaite être. La soirée reprend son cours.
A 3h, Patrick et François repartent pour un petit boeuf très sympa au
bar. Tout simplement génial.
5h. Le séjour devient clairsemé, l'ambiance plus intimiste. Nous
commençons à ranger et installer les tables pour le petit dej'.
7h. Étonnante jonction des derniers fêtards, gardiens de la nuit
que nous
sommes, et des premiers lève-tôt. Premières parties improbables de
billard de l'année. Je suis surpris de notre précision, au vu de notre
état de fatigue.
8h40. Plus que 20 minutes avant minuit en métropole. Je prends quelques
minutes pour songer à ma famille, mes amis. Mon état d'esprit est très
différent de Noël, plus serein.
9h. Minuit en France. Des millions de SMS fusent à chaque seconde à
Toulouse, Paris, Pithiviers, Chécy. Ici, pas de queue devant l'unique
cabine téléphonique. Un franc Soleil resplendit sur les pentes glacées du
continent. Les manchots, qui se contrefoutent du 1er de l'an autant que
de Noël, se houspillent comme à leur habitude.
9h15. Accompagné d'un de mes compagnons du bout de la nuit
Gilduin, je
rejoins la station météo où Didier et JP, fidèles au poste, officient
déjà. J'en profite pour relire les messages que les uns et les autres ont
déposés sur le ballon et pour inscrire mon propre petit mot (voir photo ci-dessus). L'histoire retiendra que c'est Gilduin qui aura été
l'heureux lanceur du premier ballon de l'année, qui atteint l'altitude
fort honorable de 20 300m.
10h. Je prends congé de mes camarades et file me coucher. Exténué mais
heureux.
02/01, 9h. Je prends mon service à la météo après 24 heures assez
incroyables, durant lesquelles j'aurai dormi pas moins de 20h (!). Je
n'en reviens toujours pas.
02/01, 17h35. Après le tourbillon de la nouvelle année, la vie
Adélienne
a vite repris son cours habituel et tranquille. En début d'après-midi,
François et moi sommes partis à une petite chasse au trésor pour
retrouver une sonde, tombée du ballon après quelques secondes de vol.
Grâce à sa position GPS, nous l'avons ainsi récupérée dans les rochers, à
une centaine de mètres seulement de l'abri météo, toujours active. A la
station, les choses ne tournent qu'à moitié. Nos bécanes moyenâgeuses ont
plutôt mal réagi au passage à 2010. Certaines ont régressé à l'année
2000, d'autres explorent carrément l'année 1910... Espérons que cette
petite fantaisie informatique ne sera que bénigne...
Voilà donc mon petit témoignage, pour tenter de vous faire
partager ce
Nouvel An que j'ai eu la chance de vivre en ce lieu exceptionnel, unique.
L'année est lancée !