Léopard des mers
dimanche 14 février 2010, 01h10.
Je suis un peu décalé. Et pour cause, comme je le disais dans mon billet de vendredi soir, j'étais de nuit à la centrale -- couché à 6h30 ce matin donc. En quelques mots, cela signifie que j'étais chargé d'être réactif dès qu'un problème apparaissait à la centrale ou qu'une alarme se déclenche. Le champ est relativement large puisqu'il va de la production électrique-même à sa distribution dans tous les bâtiments de la base ainsi que de la production d'eau douce qui sont deux éléments évidemment vitaux. J'avais prévu beaucoup de choses pour occuper ces dix heures seul dans la centrale -- notamment rattraper mon retard dans ma correspondance, et puis "recopier" tous les billets de ce blog sur le réseau informatique de la station. Ainsi, mes camarades hivernants pourront consulter librement le blog, certes non formaté, et pourront ainsi en connaître la teneur. Après une longue réflexion, cela me semble effectivement important que chacun puisse avoir un oeil sur les informations qui sortent de la base. J'y tiens.
Journée
un peu tronquée donc, qui a commencé sur les chapeaux de roues vers
14h30 par un appel de Michel, responsable de la radio. Pour le deuxième
jour consécutif, un léopard des mers a été vu à l'abri côtier. Je
m'extirpe donc de mon sommeil, enfile un maximum de vêtements pour
soutenir le vent et le froid. Je cours à l'abri. Rien. Ah si ! Nicolas
est déjà là, prêt à déclencher. Baptiste et Adrien nous rejoignent. Dix
minutes passent. Toujours rien. L'attente est un peu fraîche. Et puis,
une tête sort de l'eau ! Difficile d'être certain de
l'identification... Cinq minutes plus tard, pas de doute : c'est bien
la bestiole qui nous échappe, Nico et moi, depuis un mois ! Nous
restons presque une heure, durant laquelle le léopard daigne remonter à
la surface trois ou quatre fois pour se faire admirer -- et semer la
panique parmi les manchots sur le bord. Chassé par le froid, je vais
enfin petit-déjeuner.
A
18 heures, j'ai organisé un blind test à la radio, avec l'aide
indispensable d'Adrien. Ça me fait vraiment plaisir de renouer avec
quelques uns des violons d'Ingres de ma vie passée. Ça m'a fait en
particulier repenser à d'excellents moments en compagnie d'Alex et de
mes camarades météo.
Comme
je l'espérais hier soir, cette journée a donc bien vite balayé ma
tristesse à la suite du départ de R3. Je réalise de plus en plus qu'il
me sera difficile d'atteindre l'objectif que je m'étais fixé avec ce
blog : vous faire partager mes impressions, mes sentiments au long de
cet hivernage. Pour une raison très simple : je n'arrive souvent pas à
comprendre moi-même pourquoi tout ce que je vis ici est aussi intense,
pourquoi je me sens si serein -- sans doute comme jamais depuis des
années. Je suis comme spectateur de ces variations subites de moral
sans vraiment savoir les interpréter. L'Antarctique est définitivement
un lieu à part !