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Jbis adeliae (TA 60)
9 mai 2010

Sa majesté l'Empereur

Photo #1 : Trois femelles se disputent violemment. Leur arme : leurs ailerons très puissants.

vendredi 07 mai 2010, 21h45.


  Je me suis promis de ne pas vous rabattre les oreilles une fois de plus avec le temps qui file beaucoup trop vite. Je vais plutôt vous parler du spectacle quotidien qui se déroule presque sous nos fenêtres, à tout juste dix minutes de marche de la base : la manchotière, dont l'activité bat son plein en ce moment. Les adultes sont désormais tous arrivés : environ 6200 individus (photo #2), venus ici pour se reproduire sur l'une des portions de banquise les plus sûres de toute la région, bien à l'abri derrière l'archipel dont fait partie notre île des Pétrels. Je ne suis pas un spécialiste du comportement des manchots et je vous renvoie aux blogs de Marie et Marion pour une prose experte sur le sujet. Je prends néanmoins un plaisir chaque fois renouvelé à descendre voir nos uniques compagnons hivernants vivre leur drôle de vie, faite d'attentes interminables, de nécessaire entraide et d'amours hivernales.


La phase d'appariement est désormais quasiment terminée : mâles et femelles se sont trouvés pour former un couple qui durera jusqu'à l'émancipation des petits l'été prochain. Cette pariade est l'occasion de véritables foires d'empoignes : il y a en effet environ 40 mâles pour 60 femelles. On assiste ainsi à des luttes terribles, entre femelles essentiellement qui se donnent des coups d'ailerons (photo #1). Pour avoir reçu quelques coups d'ailerons de manchots Adélie durant une manip' ornitho cet été, je puis vous dire qu'une tatanne d'Empereur, ça ne doit vraiment pas être agréable ! Il y a une quinzaine de jours j'ai suivi l'arrivée d'un mâle, qui en un quart d'heure s'est fait aborder par trois femelles, toutes éconduites sur le champ, avant de rejoindre le groupe. Une fois que le couple est formé, un certain nombre s'éloignent du groupe et passent leur temps ensemble (photo #3), parfois à chanter, à s'inspecter la poche incubatrice (photo #4), ou bien le plus souvent à ne rien faire. Et puis, c'est l'accouplement. Rapide, souvent unique, acrobatique. La mission du mâle est de grimper sur le dos de la femelle allongée et cambrée (photos #5 et #6). Le but de la manœuvre est de faire coïncider le temps de quelques secondes leurs organes reproducteurs. Ces scènes sont l'occasion de situations réellement cocasses, où bien souvent quelques manchots interviennent pour déstabiliser le mâle dans cette position inconfortable ou simplement pour regarder comment le couple s'y prend... pas toujours avec succès.

Après quelques jours d'incubation, la femelle pond un œuf tout blanc d'une douzaine de centimètres de long, qu'elle transmet directement au mâle pour qu'il le conserve sous sa poche incubatrice, sur ses pattes, des semaines durant. A peine quelques heures après la ponte, la femelle quitte la manchotière pour aller se nourrir en mer. Cette année, par chance pour nos camarades ailés, la tempête qui dure depuis quatre jours maintenant a grignoté la banquise jusqu'à moins d'un kilomètre de l'île et mesdames auront donc bien peu de chemin à faire pour trouver l'eau libre et la nourriture tant attendue.


Le grand jeu de la semaine passée a consisté à tenter d'observer le premier œuf. Félicitations à Marie qui a gagné mardi dernier. Mercredi, j'ai profité du Soleil pour m'offrir une session photo d'une petite heure au lever du jour (mes doigts s'en souviennent encore...) et ai pu photographier un mâle avec un œuf entre les pattes (photo #7). Les premiers poussins sont maintenant attendus pour début juillet.

Comme le soulignait Marion, c'est un privilège tout à fait exceptionnel que de pouvoir assister à ce spectacle : Dumont d'Urville est en effet la seule base à proximité directe d'une manchotière de cette importance. Ainsi, depuis 150 ans, seuls quelques milliers de personnes ont pu voir ce qui fait partie de mon quotidien.


Photo #2 : Tortue de manchots en pleine tourmente. Les manchots se regroupent et collés les uns aux autres peuvent résister aux pires vents et températures.

Photo #3 : Couple laissant le temps passer.

Photo #4 : Les manchots en couple s'observent beaucoup, et passent beaucoup de temps à inspecter leurs poches incubatrices, qui recevront tour à tour l'œuf puis le poussin.

Photo #5 : Quelques secondes avant l'accouplement, le mâle (à l'arrière) incite la femelle à s'allonger.

Photo #6 : Avec plus ou moins d'habileté, nos deux amoureux forment le temps de quelques secondes un bien fragile assemblage.

Photo #7 : Le mâle porte sur ses pattes le précieux et unique œuf, bien à l'abri du vent et du froid sous une large poche de graisse.

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