La croisière s'amuse
500 manchots Empereurs s'offrent un tour de l'île Jean Rostand.
vendredi 9 avril 2010, 20h20.
L'hivernage se poursuit, sorte de traversée au long court avec ses grands calmes et ses agitations soudaines. Semaine toute en contraste pour ma part avec des jours lumineux et souriants et d'autres empreints d'une certaine lassitude. Non point des paysages, des Empereurs, mais une certaine frustration de s'imaginer coincé ici alors que le printemps est en train d'envahir de ses odeurs, de ses fleurs, de toutes ses promesses estivales l'ensemble de l'hémisphère nord. Que les balades sur les rives de la Garonne, à l'ombre des cerisiers en fleur du Japon, dans les parcs Nord-Américains doivent être agréables !
Ce n'est pas que cette semaine fut vide, bien au contraire. Nous avons célébré comme il se doit l'anniversaire de notre camarade "ornitho ecophy" Marion, samedi dernier. Mis à part cet anniversaire dont la préparation, comme les autres, a rythmé la vie de la base les jours précédents, je retiendrai deux thèmes qui ont (une fois de plus) animé ma semaine :
Tout d'abord les arrivées désormais massives des manchots Empereurs. Il en débarque en effet des dizaines chaque jour, principalement du Nord. Le grand jeu consiste à parcourir toute l'île afin de ne rater aucun groupe et Marie, notre ornitho, se charge de tenir la comptabilité. Mardi, une partie des Empereurs déjà présents nous ont offert un spectacle tout à fait saisissant : ils ont fait le tour de l'île Rostand derrière laquelle ils étaient installés. Un spectacle qui a duré une bonne heure, qui nous a permis d'admirer cette colonne géante d'environ 500 individus (photo ci-dessus). Ils sont vraisemblablement ce soir plus de 1500. Et dire qu'on en attend encore les trois quarts !
L'autre grand spectacle qui m'a occupé cette semaine était dans le ciel : aurores et phénomènes optiques en tous genres m'ont fait passer quelques heures géniales, certes à me geler les doigts dans le froid et le vent, mais ça valait le coup. Lundi soir, le ciel nous a gratifié d'une aurore hyper spectaculaire (photo #2). Nous avions passé une petite heure dehors à prendre des photos d'une aurore assez lumineuse mais basse sur l'horizon. Le temps de rentrer dans le laboratoire biomar pour ranger nos affaires, quel spectacle nous attendait quand j'ai ouvert la porte pour retourner à nos pénates ! Le ciel était littéralement recouvert d'une nappe blanchâtre qui fusait, s'enroulait, se déstructurait, renaissait plus fort encore à d'autres endroits... Difficile d'exprimer la magie de ce spectacle fascinant, à l'esthétique foudroyante ! Et pour la première fois le spectacle était nettement plus impressionnant de visu qu'en photo.
Par ailleurs, avec le temps relativement clément, nous avons pu profiter de couchers et levers de Soleil tout à fait grandioses (photo #3). Les couleurs sur la banquise naissante sont tout simplement à tomber par terre (photo #4). Une infinité de nuances d'orange, de rose, de violet, entrecoupée par les bergs aux formes étonnantes, irréelles. Je suis certain que je ne pourrai me lasser d'une telle vue, si grandiose. Un autre phénomène fascinant est lié à la configuration actuelle particulière de la mer : avec les zones d'eau encore libre se créent des contrastes thermiques très forts entre l'eau (à -1,6°C) et l'air (parfois en-deçà de -20°C), conduisant à des mirages très marqués (photo #5). Pour mon plus grand désarroi, ni la Lune ni le Soleil ne vont se lever ou se coucher dans cette couche thermique au contraste exceptionnel les jours prochains, ce qui ne m'a pas empêché mardi matin de capturer l'un des meilleurs rayons bleu/vert de ma petite collection personnelle (photo #6) !
Photo #2 : Lundi soir, une aurore s'invite à DDU, pour le plus grand plaisir de tous !
Photo #3 : Lundi soir, le Soleil embrase le continent.
Photo #4 : La banquise en formation, au couchant.
Photo #5 : Bergs à l'horizon, mirage spectaculaire causé par la présence de la zone
d'eau libre visible au loin (sombre, contrastant avec la glace claire
au premier plan).
Photo #6 : Mardi par -20°C, lever de Soleil dans un calme absolu. Rayon bleu/vert
flottant au-dessus du Soleil qui se lève sur le glacier de l'Astrolabe.