La fabuleuse histoire de l'Empereur

Photo #1 : Le mâle veille consciencieusement sur l'œuf qu'il tient sur ses pattes, bien à l'abri du froid.

mercredi 14 juillet 2010, 17h30.

Chose promise, chose due. Je vous propose de partager dans ce billet quelques scènes du quotidien de nos voisins immédiats !

Aujourd'hui, avec le Soleil certes masqué par une tartine de nuages mais qui monte de plus en plus haut au-dessus de l'horizon, j'ai passé une bonne partie de la journée en compagnie des Empereurs, et je dois dire que le spectacle était au rendez-vous !

Sur le blog, j'avais laissé l'histoire de nos compagnons hivernants au billet du 9 mai. Rassurez-vous, vous n'avez rien raté : il ne s'était pour ainsi dire rien passé de bien significatif jusqu'à ces derniers jours : les mâles étaient en quasi-permanence en tortue, couvant avec abnégation leur précieux œuf. A l'heure où j'écris, nombre d'entre eux sont d'ailleurs toujours occupés à cette noble activité (photos #1 et #2), attendant le retour de leur compagne partie se nourrir en mer depuis plus de deux mois.

Depuis environ 15 jours, deux événements parallèles se déroulent sous nos yeux. Le premier est l'éclosion des premiers œufs, laissant apparaître de temps à autre entre les pattes d'un adulte une petite bouille noire et blanche, qui nous fait tous craquer... Je parie que vous nous rejoindrez sur ce point (photos #3 et #4) ! Le poussin est pour l'instant complètement dépendant de son parent : il est tout à fait incapable d'assurer son équilibre thermique seul et quelques secondes en dehors de la poche protectrice du parent et c'est la mort assurée du précieux rejeton. Le parent lui apporte chaleur donc, mais également de la nourriture (photos #5 à #7). Le petit sollicite régulièrement l'adulte par ses piaillements très reconnaissables. Ce dernier recrache alors une préparation bien particulière à base de poisson, très nutritive, que les petits adorent...

L'autre événement majeur est la passation de "consignes". Après des semaines, la femelle partie en mer se nourrir, le mâle resté dans le blizzard à couver, les couples se reforment le temps de quelques heures. Voilà comment cela se déroule : les femelles, généralement par petits groupes de 3 à 15, reviennent de leur long voyage à la manchotière (photo #8) et se mettent immédiatement à chanter (photo #9) autour du groupe. Après une séance de chant, éventuellement longue vue la taille de la colonie, le mâle finit par entendre sa partenaire, lui répond par son propre chant et l'affaire est faite : le couple se reforme. Ce dernier est facilement identifiable parmi tous les "célibataires géographiques", par les mouvements très particuliers que les deux partenaires exécutent, généralement très synchronisés (photos #10 et #11). Au bout de quelques heures, le mâle passe ou bien l'œuf ou bien le tout jeune poussin à la femelle, qui prend le relai. Monsieur est ainsi libre de partir à son tour casser la croûte en mer (photo #12), après des mois de jeûne.

Voilà. Vous savez tout -- ou presque -- de l'activité foisonnante qui règne en ce moment sur la banquise... et qui nous change un peu les idées ! Et puis comme le rappelle la photo #13, c'est la fête nationale aujourd'hui : ce soir, c'est le bal des pompiers Adéliens !

Photo #2 : Des milliers de mâles couvent, comme celui que l'on voit au premier plan.

Photo #3 : La scène que tous les hivernants guettent avec ferveur : le poussin âgé de quelques jours finit par sortir la tête d'entre les pattes de son père.

Photo #4 : Droits comme des i, papa et son fiston posent, pour le plus grand bonheur des photographes présents.

Photo #5 : Une scène difficile à photographier. Le poussin a sollicité l'adulte, qui ouvre le bec, tend son cou au maximum et recrache une mixture à base de poissons.

Photo #6 : Nourrissage du poussin, affamé.

Photo #7 : Le repas est terminé. L'adulte et le poussin sont sur le point de reprendre leur position habituelle.

Photo #8 : L'autre événement est l'arrivée massive des femelles (environ 50 aujourd'hui). Sur cette photo, trois femelles arrivent en vue de la colonie.

Photo #9 : Parmi les milliers de manchots présents, difficile de retrouver son partenaire. La solution : chanter. C'est ce que fait cette femelle qui vient d'arriver de son voyage alimentaire. Elle est visible au centre (légèrement sur la droite), qui courbe fortement la tête vers le bas, position caractéristique du manchot qui chante. Lorsque son partenaire entendra son chant qui lui est unique, il répondra et le couple se reformera.

Photo #10 : Une fois que les partenaires se sont identifiés et se sont rejoints, ils se prêtent à un numéro à deux, tout à fait saisissant. Très lentement, l'un et l'autre vont exécuter des postures que l'autre imitera. Scènes d'un esthétisme à tout rompre.

Photo #11 : photo qui se passe, je pense, de commentaire.

Photo #12 : A peine ou bien l'œuf ou bien le tout jeune poussin transmis à la mère, les mâles sont enfin libres de partir en mer afin de se nourrir. Régalez-vous les amis ! Retour dans quelques semaines.

Photo #13 : Même ici, c'est le 14 juillet !

Comments

[atchaoum]

Merci de nous faire partager cette expérience magnifique.

[Isabelle]

Je suis la maman de Nicolas, le glacio. Je suis avec toujours autant d'attention vos aventures polaires. Les photos ci-dessus sont superbes.
Je viens de visionner le film dont le lien se trouve sur le blog de Nico. Bravo pour vos talents d'acteur. On reçoit autre chose que des images fixes et çà fait du bien de vous voir tous en action.
Une dédicace pour tous les protagonistes de cette réalisation : la chanson "j'aurais voulu être un artiste" extraite de Starmania avec la dédicace suivante : à tous les protagonistes du film du Dr Strange, vous êtes de vrais artistes. On vous decerne le premier prix

Je me permets de vous faire une grosse bise
Isabelle

[Chantal]

Merci Jean-Baptiste pour ces magnifiques photos et commentaires qui vont avec !
C'est tout simplement sublime !
Ta tante chantal